
Dans notre pratique hebdomadaire de yoga asana, je vous invite souvent à poser le regard sur un point — que ce soit devant vous, au milieu du pouce, vers les orteils, etc. — notamment dans certaines postures comme les guerriers I et II (Virabhadrasana), et tout particulièrement dans les postures d’équilibre.
De même, lors de certaines séries de respiration (pranayama), je vous suggère de diriger votre attention et intention vers un point précis.
Mais à quoi bon tout cela ? Quel est le sens de cette pratique du regard ?
Commençons par la définition de Drishti.
C’est quoi le drishti ?
Le mot sanskrit « Dṛṣṭi » (écrit दृष्टि en devanāgarī) signifie littéralement : regard, vue, vision ou perception.
Quel est le rôle du drishti ?
Naturellement, dans la vie quotidienne, lorsque nous fixons un point du regard, la tête, puis la nuque, et enfin la colonne vertébrale, suivent ce mouvement.
C’est une réaction instinctive : le cerveau oriente le corps dans la direction du regard.
Dans cette dynamique, le drishti nous aide à aligner la posture, depuis le sommet du crâne jusqu’à la colonne vertébrale.
Dans notre pratique des asanas :
La direction du regard fait partie intégrante de la posture : elle nous aide à nous placer correctement, à ajuster notre alignement. Dans les postures d’équilibre, un point de regard stable permet non seulement de trouver l’équilibre, mais surtout de le maintenir plus longtemps.
Le regard doit rester douce, détendue, sans forcer les yeux. Par exemple, lorsqu’on maintien un posture pendante plusieurs respirations, le regard se pose soit sur une partie du corps soit sur un point externe au corps. Et lors des enchainements, il ne s’agit pas forcement de « regarder » au sense habituel, mais plutôt d’orienter les yeux vers une direction spécifique.
Les deux grandes catégories de Drishti dans le yoga
On distingue deux forms principales de drishti dans la pratique du yoga :
- Bāhya Drishti (regard tourné vers extérieur)
- Antar Drishti (regard tourné vers l’intérieur)
Bāhya Drishti (regard tourné vers l’extérieur)
Il s’agis simplement de poser le regard sur un point physique, visible à l’extérieur de soi : un point au sol, une tache sur le mur, votre pouce, etc.
Sur le chemin du Raja Yoga ou Ashtanga Yoga — le yoga fondé sur huit composantes, on distingue neuf types de drishti, chacun associé à des postures précises pour orienter le regard, l’attention et l’alignement.
Antar Drishti (regard tourné vers l’intérieur)
Cette forme plus subtile, et souvent considérée comme avancée, consiste à visualiser un point à l’intérieur de soi, souvent le point entre les sourcils (le centre d’Ajna Chakra).
Avec la pratique, le regard intérieur devient un outil puissant pour calmer le mentale, cultiver la présence, et approfondir l’état méditatif.
Les 9 Drishti
- Nasagra Drishti – Regard vers le bout du nez
Postures : la planche basse (Chaturanga Dandasana), cobra (Bhujaṅgāsana). - Bhrumadhya Drishti – Regard entre les sourcils
Postures : assise en méditation ou lotus (Padmasana). - Nabi Chakra Drishti – Regard vers le nombril
Posture : chien tête en bas (Adho Mukha Śvānāsana) - Hastagra Drishti – Regard vers la main
Postures : triangle (Trikonasana), guerrier II (Virabhadrasana II) - Padhayoragra Drishti – Regard vers les orteils
Postures : pince debout (Uttanasana), pince assise (Paschimottanasana) - Parsva Drishti (gauche) – Regard vers la gauche
Posture : triangle inversé (Parivrtta Trikonasana, torsion vers la gauche) - Parsva Drishti (droite) – Regard vers la droite
Même posture que le précédent, torsion vers la droite - Angushtha Ma Dyai Drishti – Regard vers les pouces
Postures : bras levés (Urdhva Hastasana), guerrier I (Virabhadrasana I) - Urdhva Drishti – Regard vers le haut
Utilisé dans des postures d’équilibre et d’extension comme la posture de la main au gros orteil (Utthita Hasta Padangusthasana C).
Sur le chemin du Raja Yoga – un peu de phylosophie
Dans les Yoga Sūtras, Patañjali Maharishi décrit la pratique de la concentration, appelée Dhāraṇā.
Sūtra III.1 : “Deśa-bandhaś cittasya dhāraṇā”
» Dhāraṇā est la fixation de l’attention du mental sur un espace ou un objet déterminé. «
Cette concentration peut se porter sur un point extérieur (image, flamme d’une bougie — trāṭaka), sur une sensation (comme la respiration), une partie du corps, ou un son (mantra). Chaque point d’attention devient un support pour stabiliser le mental.
Une fois cette concentration établie, vient la pratique suivante : Dhyāna, la méditation.
Sūtra III.2 : “Tatra pratyaya-ikatānatā dhyānam”
» Dhyāna est le fait de maintenir une attention exclusive sur un seul point.«
C’est l’entrée dans l’état méditatif : la conscience s’affine et devient comme une pointe qui dirige toute son intensité sur un point unique. Elle dépasse le mental pour devenir pure présence.
Au fil du temps, le drishti devient plus qu’un simple point de regard : c’est une manière d’habiter pleinement l’instant. Il nous apprend à être là, attentifs, stables — sur le tapis comme dans la vie. Peu importe où vous en êtes dans votre pratique, je vous invite à explorer cette direction du regard, avec curiosité, simplicité, et douceur. C’est un petit geste, presque invisible… mais qui peut tout changer.
À bientôt sur nos tapis !
Merci Gaby
Un bel éclairage qui va me permettre d’être plus présente dans ma pratique sur quelques points comme le point entre les sourcils
Faire du yoga en pleine conscience
Merci Gaby pour ces explications. Rien n’est laissé au hasard dans le 🧘♀️ yoga.
Merci de ta générosité !🙏😘
Gaby, merci infiniment pour ce partage précieux, rempli de savoir et d’attention. Ta manière d’énumérer les postures, les Drishtis, les alignements, avec tant de clarté et de bienveillance, révèle non seulement ta maîtrise du yoga, mais surtout ton humilité profonde.
C’est un vrai cadeau que de t’écouter, de ressentir ta présence calme et enracinée, et de recevoir ton enseignement comme une caresse pour le corps et l’esprit. Merci pour ta douceur, ta lumière, ta transmission si fine et généreuse.
Mille mercis, Agnès du cours du mardi YOGA DOUX